FIDÉLITÉ AU TRAVAIL ET NOUVELLES GÉNÉRATIONS : UNE ÉQUATION IMPOSSIBLE À RÉSOUDRE ?
À l’origine …
L’étymologie a ceci d’intéressant qu’elle (re)donne du sens – le vrai ! – aux mots. Fidélité/fidèle provient du latin fidelis : « en qui l’on peut avoir confiance, sûr, fidèle, loyal ». Mais aussi de fides, qui signifie « la foi ».
Parler de « fidélité au travail, fidélité à son organisation, fidélité à son entreprise, fidélité à son manager, … », revient donc à parler de « foi en son travail, foi en son entreprise, foi en son manager, … ». Belle ambition, sacré challenge… hors sujet aujourd’hui.
Replaçons le débat dans un contexte où ce sujet est particulièrement prégnant : les métiers du service.
Dans ce secteur d’activité très dynamique, les équipes RH tentent (encore et toujours) de susciter chez les collaborateurs l’envie de ne-pas-partir-voir-ailleurs-si-l’herbe-est-plus-verte, à grands coups de « tutorat, mentorat, coaching », voire carrément de « plan de carrière ». L’objectif étant, doucement mais sûrement, d’atteindre un super niveau de responsabilité et le salaire qui va avec.
Il semble qu’elles fassent fausse route avec les générations d’aujourd’hui (les générations « Y » et « Z », qui représentent la population entre 20 et 40 ans). En effet, ces générations ne sont pas réceptives au « doucement mais sûrement » qui agit auprès d’elles comme un vrai « tue-l’amour » ! Ces générations, elles veulent avancer et elles veulent avancer VITE.
« Fides mortua est ! »
Sans être psychologue, ni même avoir développé d’analyse sur ces nouvelles générations, je pense qu’elles se définissent surtout par leurs points communs : vivre chaque seconde avec enthousiasme, ne pas avoir de regret, décider du sens donné à leur vie – y compris professionnelle – utiliser plutôt que posséder, consommer plus qu’épargner, prendre du plaisir plutôt que souffrir. Dans la vie comme dans le travail ! En résumé : s’accomplir plus que réussir et être tout simplement « libres ». Par conséquent, je préfère de loin les qualifier de génération « Libre » plutôt que de les désigner comme les inconnues d’une équation algébrique.
Pour toutes ces raisons : OUI, la fidélité dans l’entreprise fait définitivement partie du passé. L’avenir est à l’infidélité professionnelle, qui transcende le potentiel, les compétences, la motivation, grâce au changement et à la remise en question permanente. Pour un collaborateur en recherche de liberté, d’emploi palpitant et de sens, quoi de mieux que de savoir qu’il est de passage dans son entreprise pour le meilleur – pour lui et pour l’entreprise – tout en bannissant l’éventualité du pire !
Et l’entreprise dans tout ça …
Il faut l’admettre, c’est un constat un peu déconcertant au premier abord. J’en ai moi-même pris conscience quand j’ai partagé cette réflexion auprès de managers et de DRH. Être confronté à leur incompréhension a été révélateur de l’immaturité des entreprises face à cette situation.
Et pourtant… Aux entreprises de s’adapter et de mettre leur organisation en cohérence avec cette réalité qu’est la volatilité des compétences. Celles qui l’ont compris ont un pouvoir gigantesque d’attraction sur tous les talents qui font bouger le monde aujourd’hui.
Dans le domaine des technologies de l’information (le « digital »), on constate évidemment le même phénomène. Et comme le marché est porteur, les effets s’en trouvent décuplés. Les entreprises qui n’ont pas compris ce mouvement de fond, se lamentent sur leur taux de turn-over, et imaginent le juguler à force de baby-foot, de « best place to work », et autres plans d’actions sur 5 ans, une éternité !
Avides de liberté, de plaisir et de mouvement, il ne faut donc pas s’étonner du boom du freelancing chez les jeunes (et moins jeunes) générations qui gravitent dans le monde du numérique.
La tendance ne va pas s’inverser, et le modèle du salariat est incontestablement remis en question. Agiter les peurs de l’ubérisation de la profession pour tenter de freiner ce processus est voué à l’échec. Pour les plus anciens, cela rappelle les levées de boucliers contre l’« offshorisation », qui faisait craindre une désertification des emplois du numérique en Europe. Il n’en était rien.
Aujourd’hui déjà, de grandes entreprises s’engagent dans des modèles hybrides mettant à l’honneur l’équilibre entre le salariat et le freelancing, qui est, sans aucun doute, la solution à l’équation de la fidélité au travail pour les nouvelles générations.
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